L’usage de couleurs dans votre enseigne : comment la protéger ?

Général

Maître Damien Dessard, avocat au barreau de Liège.

 

Si, pour bon nombre de spécialistes du marketing, l’usage de la couleur peut être considéré comme un élément parfois plus important que les formes ou les mots dans une enseigne, un nom commercial ou un logo, comment peut-on les protéger ? En effet, ces couleurs qui deviennent parfois les éléments centraux de l’activité commerciale peuvent-elles être reproduites à l’envi par des concurrents ? On pense à cet égard aux couleurs jaune et bleue d’IKEA à titre d’exemple qui, même sans que n’apparaisse le nom IKEA, permettent immédiatement l’identification de l’entreprise. L’envie pourrait dès lors être grande pour un concurrent de reprendre uniquement ces couleurs sans cependant se risquer à reproduire l’aspect verbal de l’enseigne comme le mot IKEA dans notre exemple.

Est-on alors démuni en pareille hypothèse ?

 

La couleur en tant que marque enregistrée ?

Si l’enregistrement d’une couleur en tant que marque est théoriquement possible, les offices Benelux ou communautaires sont très prudents à l’encontre de ces enregistrements.

Cette réticence des instances délivrant les marques quant aux demandes portant sur un enregistrement de couleur, au vu du monopole qui est accordé à la marque en question, est tout à fait légitime.

En effet, le titulaire d’une marque de couleur dispose d’un monopole sur la couleur en question dans le secteur d’activité où il est reconnu. Si la marque orange a été admise pour le fournisseur de téléphonie bien connu de tous, nombre d’autres entreprises s’y sont cassé les dents ou ont dû mener des procédures jusqu’à la Cour de Justice des Communautés Européennes pour obtenir une reconnaissance partielle. On pense à la semelle de chaussures rouge bien connue…

 

Comment réagir face à un concurrent ?

L’utilisation de la couleur ou d’une combinaison de couleurs pour certaines entreprises peut néanmoins être un réel élément distinctif de l’entreprise en question.

Ne peut-on dès lors rien faire si un concurrent vient recopier les couleurs que vous utilisez pour votre enseigne et/ou apposez sur vos produits, mais que le concurrent en question prend bien soin de ne pas recopier votre dénomination ?

Si, effectivement, ce comportement du concurrent en question n’est pas une violation d’un éventuel droit de marque dans la mesure où vous ne disposez pas de marque enregistrée pour votre couleur, cette attitude peut constituer un comportement contraire aux pratiques du marché et constituer un acte de « parasitisme ».

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un concurrent en profitant indûment de sa notoriété ou des investissements qu’il a consentis. Ce comportement parasitaire peut être attaqué, même si vous ne disposez pas de droit de propriété intellectuelle comme une marque, voire même si l’opérateur économique qui procède à ce pillage systématique et caractérisé de vos couleurs n’est pas un concurrent direct.

 

Il n’est donc pas nécessaire pour invoquer le parasitisme que celui qui vous « copie » soit un concurrent direct. Il faut cependant se trouver dans des conditions qui seront analysées très scrupuleusement par les juridictions dans la mesure où la règle de base en la matière est la liberté du commerce et de l’entreprise. Ce pillage devra donc être systématique et caractérisé. Une analyse au cas par cas sera toujours indispensable.

Tout  n’est donc peut-être pas perdu…