Du neuf en matière de responsabilité pénale des personnes morales et de leurs dirigeants ?

Droit de l'entreprise

Maître Bernard de Cocquéau, avocat au barreau de Liège

 

La loi du 11 juillet 2018 modifiant le code pénal et le titre préliminaire du code de procédure pénale en ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales a apporté quelques changements au régime de responsabilité de la personne morale.

Cette loi a, tout d’abord, supprimé l’immunité dont bénéficiaient certaines personnes morales de droit public dites politiques. Sont ici visés les Communes, Provinces, Communautés et Régions ou encore l’Etat fédéral qui peuvent désormais répondre des faits répréhensibles qu’ils commettent même si la sanction à leur égard doit se limiter à une simple déclaration de culpabilité.

Par ailleurs, cette loi du 11 juillet 2018 a supprimé le régime particulièrement complexe de la cause d’excuse absolutoire qui existait lorsque les faits délictueux pouvaient être reprochés tant à la personne morale qu’à une ou plusieurs personnes physiques identifiées au sein de cette personne morale. Seule la personne ayant commis « la faute la plus grave » selon l’appréciation du Tribunal se voyait sanctionnée pénalement. Ce régime ne concernait toutefois que les hypothèses dans lesquels les faits reprochés n’avaient pas été commis « sciemment et volontairement » par la ou les personnes physiques impliquées.

C’est essentiellement dans le domaine des infractions d’homicides involontaires ou de coups et blessures involontaires à la suite d’accidents survenus dans le cadre de l’activité de l’entreprise que cette cause d’excuse absolutoire pouvait éventuellement être invoquée par la personne morale ou la ou les personnes physiques impliquées pour éviter un cumul des sanctions pénales.

De nombreuses difficultés pratiques se posaient dans le cadre de l’application de ce régime de décumul des responsabilités.

Le législateur a finalement décidé de supprimer purement et simplement cette cause d’excuse absolutoire et le régime de décumul possible en résultant de sorte qu’après la loi du 11 juillet 2018, il est toujours possible d’engager la responsabilité pénale conjointe de la personne morale et d’une ou plusieurs personnes physiques poursuivies pour les mêmes faits délictueux, même si ces faits ont été commis à la suite d’imprudences ou négligences.

Cette nouveauté législative ne s’applique toutefois qu’aux faits survenus postérieurement au 30 juillet 2018, date d’entrée en vigueur de la loi. Les faits antérieurs à cette date restent ainsi soumis à l’ancien régime et notamment à l’hypothèse du décumul possible des responsabilités pénales.

La modification législative opérée en juillet 2018 risque également d’avoir un impact sur la nécessité de désigner un mandataire ad hoc en cas de poursuite conjointe de la personne morale et de la personne physique habilitée à la représenter.

En effet, l’art. 2bis du titre préliminaire du code d’instruction criminelle indique :

« Lorsque les poursuites contre une personne morale et contre la personne habilitée à la représenter sont engagées pour les mêmes faits ou des faits connexes, le tribunal compétent pour connaître de l’action publique contre la personne morale désigne d’office ou sur requête, un mandataire ad hoc pour la représenter. »

En pratique, la désignation d’un mandataire ad hoc intervient dès qu’un risque de conflit d’intérêt existe, dans le cadre de la défense pénale qui doit être exercée, entre la personne morale et la personne physique habilitée à la représenter.

Or, ce risque de conflit d’intérêt était évident tant qu’existait l’hypothèse d’un décumul de responsabilité au profit de la personne ayant commis la faute la moins grave, lorsque les faits n’avaient pas été commis sciemment et volontairement.

En effet, dans cette hypothèse, tant la personne morale que la personne physique pouvaient tenter de démontrer qu’elle n’avait pas commis la faute la plus grave et qu’elle pouvait dès lors bénéficier de la cause d’excuse absolutoire à son profit.

Maintenant que cette hypothèse a disparu et que le cumul intégral est possible au regard du nouvel l’art. 5 du code pénal, le conflit d’intérêt apparaît beaucoup moins évident entre la personne morale et le dirigeant poursuivi, notamment en cas d’infraction non intentionnelle.

Ce changement législatif devrait donc rendre moins automatique la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter les intérêts de la personne morale dans de pareilles hypothèses, ce qui simplifiera assurément l’exercice des droits de défense de la personne morale et de son dirigeant.